Le nettoyage des fossiles et minéraux par SABLAGE

Publié le par Phil Fossil

 
 
Hemicidaris purbeckensis, Portlandien, Wimereux. Diamètre 4 centimètres. 10 minutes de sablage.
 
 
Article paru dans LITHORAMA.
 
Les fossiles peuvent être nettoyés de leur gangue d’une multitude de manières, aussi bien mécaniques (percuteur pneumatique, jet d’eau sous pression, couteau ou cutter, brossage à la brosse métallique en fer ou en laiton, etc.) que chimiques (acides acétique, formique et chlorhydrique, potasse caustique, méthode du pétrole lampant et de l’eau pour dissocier les marnes...).
 
Pratiquement chaque fossile de chaque site est un cas d’espèce, et son nettoyage peut et doit être envisagé d’une manière différente que celui d’un autre spécimen.
 
Tous ces procédés peuvent nécessiter beaucoup de temps, pas mal d’huile de bras ou l’utilisation de produits dangereux ce qui limite assez fortement leur efficacité.
 
Par exemple le nettoyage des superbes Lopha du Bajocien de Ringsheim, en combinant un jet d’eau sous pression, l’utilisation de la brosse en fer et du cutter, peut facilement durer de 3 à 10 heures selon la dureté de la gangue et le degré d’encrassage du fossile. Les magnifiques oursins portlandiens de Boulogne-sur-Mer peuvent passer plusieurs jours dans la Potasse caustique, laquelle doit être régulièrement renouvelée, de plus il faut neutraliser ce produit particulièrement corrosif par le trempage ultérieur dans de l’acide dilué. En outre, la potasse peut pénétrer dans les fractures du test calciteux, surtout sur les spécimens un peu écrasés, et attaquer la roche à l’intérieur de l’oursin ce qui peut le fragiliser, voire le briser. Il faut donc recouvrir les zones déjà traitées d’un “vernis” protecteur qui empêchera l’attaque ultérieure par la potasse.
 
Une des meilleures méthodes, si pas la meilleure, est celle du sablage.
Elle consiste à projeter à haute pression du “sable” sur la gangue, ce dernier agit alors comme une pléthore de minuscules burins et donc élimine sans peine la roche encaissante à une vitesse parfois surprenante.
Une Lopha complète de Ringsheim peut ainsi se nettoyer en une grosse dizaine de minutes, tout comme un bel oursin boulonnais sur gangue. Et un petit brossage sous l’eau suffit généralement pour terminer la préparation du spécimen !
 
Mais attention, pour utiliser cette méthode, il est requis d’avoir une différence notable de dureté entre le fossile et la gangue. Idéalement le fossile lui-même doit être calciteux ou éventuellement phosphaté ou pyriteux, la gangue quant à elle peut être crayeuse, calcaire tendre, marneuse voire même schisteuse, ou gréseuse si elle est peu cohérente.
 
Le problème est évidemment qu’il faut envisager un investissement assez onéreux pour correctement travailler. Un compresseur d’air, la sableuse elle-même, un caisson isolant (avec des gants suffisamment résistants, de l’éclairage et une aspiration d’air incluant un filtrage afin d’éliminer la poussière en suspension tout en gardant le “sable” dans le caisson), et du “sable”, un tamis de maillage suffisamment fin (un quart de millimètre suffit largement) pour le recyclage de ce sable, tout cela peut assez rapidement emmener l’amateur vers des montants qui risquent de dépasser allègrement son budget. Ce n’est donc rentable qu’à partir du moment où il faut préparer un stock de fossiles d’un certain volume.
 
La sableuse elle-même est composée d’un réservoir à sable (qui peut être de contenance simple ou double), d’un tube partant vers le compresseur, d’une pédale pour sa mise en fonction, d’un manomètre et d’un petit “rhéostat” permettant de faire varier la pression, et bien sûr d’un “crayon sableur” dont l’orifice doit être dirigé sur le fossile à nettoyer.
 
Un bon bricoleur débrouillard peut déjà réaliser pas mal de choses lui-même, ou les obtenir à moindres frais. Le caisson est réalisable avec du bois, des charnières, une poignée et une vitre, auxquels il faudra ajouter une paire de gants solides en caoutchouc qui eux doivent être achetés, ainsi qu’un éclairage simple par tubes fluorescents et une ventilation de base. (un filtre combiné à un ventilateur)
 
La ventilation (“extracteur d’air”) dans le caisson est indispensable, sinon il reste en suspension de fines poussières de limaille qui peuvent colorer superficiellement les pièces et les gangues claires du genre crayeuses.
Un aspirateur de ménage, par simple introduction de son embout dans un trou prévu du caisson, réalise une aspiration très convenable des poussières en suspension.
 
Parlons un peu du “sable”. Loin de se limiter au classique sable de silice, tout un éventail de produits peuvent être utilisés. Depuis la farine de blé, le sucre en poudre, les coquilles de noix finement broyées, les micro-billes de verre, l’alumine, la dolomie, la craie pilée, et j’en passe. Les sableuses pour préparation paléontologique utilisent souvent de la limaille de fer, qui est plus lourde et n’attaque que très raisonnablement la calcite.
 
Il se produit néanmoins un certain “polissage” de la surface du fossile calciteux, effet somme toute réduit mais qui a comme avantage l’atténuation voire même la disparition des griffures et autres petits défauts superficiels des tests calcitiques, défauts consécutifs par exemple à l’érosion naturelle ou aux chocs avec d’autres cailloux. Il n’est souvent même plus nécessaire de “fignoler” le fossile avec un produit comme le “Perfektsteinpflege” qui est généralement utilisé pour donner un fini légèrement brillant aux pièces nettoyées, ou une couleur un peu plus “foncée” pour distinguer mieux le fossile de sa gangue.
 
Un paramètre que l’on peut faire varier, la forme des grains. En effet, tout comme un burin affûté est plus efficace qu’un burin émoussé, un grain irrégulier « décapera » nettement mieux qu’un grain arrondi, il peut donc être nécessaire de travailler à plus petite pression dans ce premier cas si l’on désire éviter la casse.
 
Un autre paramètre qui peut être modifié, la pression d’air. En augmentant la pression, on peut attaquer de manière plus rapide une gangue résistante si le fossile qui y est inclus est assez robuste. A l’opposé, il faut une pression plus basse pour dégager sans l’abîmer un oursin fragile d’une gangue calcaire ou crayeuse plus tendre. La pression utilisée varie généralement de 3 à 7 bars, rarement plus. Au dessus on peut arriver à traverser des tests calcitiques même assez épais ! (par exemple les Burmirhynchia decorata du Bathonien ardennais)
 
Il est également possible de faire varier la pression d’air en approchant ou en éloignant le “crayon sableur” du fossile et de la gangue, on travaille généralement de plus loin pour dégager un fossile fragile que dans le cas d’un fossile résistant.
 
Il est bien évident que cette méthode peut et doit être combinée avec d’autres, par exemple le percuteur pneumatique qui est indispensable pour éliminer en vitesse les gros morceaux de gangue préalablement à la sableuse qui servira plutôt pour la “finition”.
 
Les fossiles fortement ornementés, comme les oursins réguliers, les ammonites épineuses, et les huîtres du genre Lopha, sont naturellement plus fragiles. Là il convient d’attaquer le fossile parallèlement aux épines et aux côtes, et pas perpendiculairement sinon les tubercules des oursins et les épines des ammonites risquent fort de se briser !
 
Remerciements
 
Ce petit article n’aurait pu voir le jour sans l’aide, les nombreux conseils, et la gentillesse de Ralf Walter et de son épouse (PALEOTEK , Allemagne) qui m’ont permis d’apprendre à utiliser de manière extensive les sableuses mises en démonstration pendant plusieurs jours dans le cadre des Bourses de Sainte-Marie-aux-Mines 2003 et 2004, avant de pouvoir (enfin !) en acquérir une à la fin de la bourse 2004.
 
Phil « Fossil »
 

Publié dans Le coin des pros

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M
Article très intéressant, merci pour ce partage d'expérience. Le nettoyage d'un fossile est assez complexe et délicat en effet.
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